Description:
La direction et les professeurs de l’Ecole,
ont le plaisir de vous inviter
au vernissage de l’exposition
Arié Mandelbaum
«Memories»
Mercredi 19 octobre 2016 à 21h00
château du parc de Wolvendael
rue Rouge, 2 - 1180 Uccle
L’exposition se tiendra
du jeudi 20 octobre au jeudi 1 décembre 2016
Elle sera accessible durant les heures d’ouverture du secrétariat
lundi > jeudi : 14h > 20h + samedi : 10h > 17h
Littéralement
Généralement, lorsqu’on parcourt l’expo d’un artiste qu’on suit régulièrement et ce, depuis un certain temps, on cherche à voir (ou on est pris d’emblée par) ce qui a changé depuis l’expo précédente. Ou, comment aussi, nous-même avons changé. Autrement dit, voir est une manière de faire le point. Avec Arié Mandelbaum.
Il y a à cette fois épure du dessin et plus directe lisibilité du sujet, à peine rehaussé de sanguine et, aujourd’hui, de pastel bleu. Le titre de l’ensemble - « Memories » - dit bien le paysage mental : les tremblements et les flottements du présent et de l’histoire, les corps singuliers et les références collectives, l’autobiographie du peintre et la chronologie du monde dont la Shoah serait l’année zéro et l’enfant caché sous la machine à coudre, le littéral et sa métaphore, le cache-cache et la cache de survie… On peut mettre les tableaux côte à côte, passer de l’un à l’autre, sauter d’un visage l’autre, d’un portrait d’écrivain - Paul Celan, le suicidé de la langue - aux enfants de Goebbels morts empoisonnés, otages d’un amour monstrueux, ou au monde vu à hauteur des joueurs de billes … On peut à partir de là et, comme au scrabble, où, curieusement aussi, les lettres sont posées sur un support nommé « chevalet », intervertir l’ordre des panneaux, s’inventer des histoires, mélanger les temps. On pourrait par exemple raconter l’histoire d’un enfant juif de la guerre qui passe de la génération machine à coudre à la génération machine à écrire, de la civilisation « schmates » ( « tissus », en yiddish) à celle du livre, de Singer la fameuse marque de machine à coudre à Singer le prix Nobel de littérature. Mais comment, par-delà toutes ces combinaisons possibles, ne pas être saisi par la machine à écrire qui règne là en lévitation, non permutable ? Quasi en autarcie !
Un peintre qui dessine une machine à mots ! Une machine fière, régnant solitaire sur un blanc provisoire. Déesse souveraine qui échappe à l’ordre du récit, qui le fabrique, l’invente, le génère, qui en est l’origine. Ce tableau, ce tableau-là en particulier, dans sa nudité sobre et offerte, d’une monumentale transparence, avec juste à la place du ruban à l’antique deux taches rouge sang qui palpitent, organise à l’envi tous les récits de l’œuvre. Hommage et soumission à la langue, à l’écriture, à la littérature, à la culture. Ici, ce n’est pas une citation littéraire, c’est l’origine même du récit qui est figurée. C’est une fascination déjà maintes fois illustrée mais jamais comme à ce jour, comme peut y renvoyer cette machine, matrice de tous les possibles figuratifs. A travers son apparente innocence, elle en appelle à l’écrivain Kafka (à qui Arié consacra toute une exposition) qui, par les mots, cherchait à faire voir sa machine à tuer, inscrivant à même le corps la sentence du condamné. Epure minimaliste d’un aller-retour entre le mot et la figure.
par Gérard Preszow